Une année naissait – du moins, mathématiquement. Cela signifiait aussi qu’une année s’était écoulée et, avec elles, de précieuses résolutions, disparues. Il fallut l’avoir ce désir, dans les balbutiements de janvier, de se fixer de nouveaux objectifs. De souhaiter circonvenir à l’imprévu, et se dire que quoi qu’il arriverait, dans les onze mois suivants, « ça » y serait.
« Ça », en 2012, j’avais trouvé ce que ce serait : j’allais jouer à de « vieux » jeux. Une manière, pour moi, d’explorer les valeurs sûres du passé, et de jeter mon dévolu sur les laissés-pour-compte de ma ludothèque. Mais ce fut une année qui, sans totalement échapper à mon contrôle, ne fut jamais entièrement sous le mien. Je sortais à peine de 2011, année de la démesure et de l’excès ludique, et me vis par ailleurs grignoté, les mois faisant, par de nouveaux doutes quant à mon devenir dans le milieu. Des pensées qui immobilisèrent même la création du Johnny’s Game Café.
Avec 2013, cette fois, ce serait la bonne. Je passais quelques soirées ennuyé et indécis au regard de l’entreprise. Un soir en particulier, je rodais, même, devant ma collection de jeux PS2, à me demander lequel serait le plus approprié. Parce que je commencerais forcément par là, ce n’était même pas ouvert à la discussion. La Playstation 2 fut la console qui me vit m’éparpiller et ne pas finir un nombre consternant de jeux. J’avais déjà cherché à me rattraper, auparavant. J’avais glissé le disque de Jade Cocoon 2, ou encore de Trapt, pour les reprendre ou j’en étais, comme si de rien n’était, et les terminer. L’acte n’était alors ni noble ni enviable : j’avais simplement souhaité les ajouter à mon tableau de chasse. J’étais dans cette accumulation frénétique, une sorte de Surmoi irrationnelle espérant terminer un dernier jeu avant la fin du mois, un dernier jeu avant la fin de l’année. Certes, il aurait pu y avoir pire, comme jeux, et même dans cet état-là je n’aurais jamais choisi un jeu médiocre. Jade Cocoon 2, je l’aurais peut-être fait tout pareil aujourd’hui. Trapt, en revanche ? J’en doute.
Sans clarté aucune, je ne songeais pas immédiatement à Xenosaga 2, dont le boîtier était posé sur la console, et le jeu sans doute quelque part à l’intérieur. Sans qu’elle fut jamais perdue, j’en avais retrouvé la notice quelques mois auparavant dans le brouahaha de la pièce. C’était rare que je laisse ainsi traîner partie d’un jeu complet. C’était mon genre, en revanche, de tarder à ce qu’il en soit autrement. J’avais dû, machinalement, poser les yeux dessus plus d’une fois, et en avoir le nom me caresser subrepticement l’esprit. Cette fois, je le regardais vraiment. Son plastique et son papier coloré me charmèrent. Ce serait mon point de départ.
Les retrouvailles avec Xenosaga 2 s’avérèrent singulières. J’échouais fort logiquement à me rappeler à quel endroit je me trouvais, et ce que j’y faisais ; mais je gardais en mémoire les premières heures du jeu, rendues mémorables par divers problèmes techniques alors que j’espérais tirer profit de mon disque dur PS2. (Je renonçais finalement et jouais directement avec les DVD.) Après m’être rafraîchi la mémoire, je m’aventurais d’entrée dans un nombre considérable de quêtes secondaires, une façon punitive de rattraper le temps, compte tenu de leur intérêt ludique très limité, mais aussi une manière de tester ma motivation. Elle battait toujours. Je me surpris même à explorer l’idée de finir le jeu au maximum, avant d’apprendre que certains éléments (telle que la très particulière mission GS 32, qui consiste à rembourser la dette du capitaine de l’Elsa) aurait dû être entrepris plus tôt, surtout en ayant acquis aussi tardivement le talent permettant de dérober des objets. Je terminais néanmoins le jeu, satisfait d’y être revenu, sans avoir l’audace d’écrire spécifiquement dessus, mais avec la ferme intention de faire un jour Xenosaga 3, et de terminer en apothéose avec Xenogears.
Ce qui s’avéra le plus compliqué, finalement, ce fut l’après Xenosaga 2. Je me laissai tenter, deux, trois fois ; je picorais, un peu malgré moi. Je cherchais implicitement à m’assurer de la prochaine destination. Se laisser porter pouvait avoir du bon, pensais-je, mais j’allais devoir être plus rigoureux, si je voulais avoir une chance de terminer cette quête-là. Je voulais surtout pas me « cramer », à nouveau.
Si il y avait indéniablement un intérêt à quitter, l’espace d’un moment, les graphismes léchées d’une génération obsédée par le plausible, à travers ce voyage dans le temps tout relatif j’allais également à la rencontre d’un jeune froussard de moins de vingt ans qui ne parvenait pas à finir ses jeux. Je gardais cette impression que compléter les jeux de mon passé n’était rien d’autre que me compléter. Quoi qu’il en fut, je pressentais que l’aventure serait belle, et gratifiante.
A nouveau, je portais mon regard à travers la pièce. J’avais choisi à quoi jouer ; ce serait un 27 novembre 1998.
(Cf thématique « Rattraper le temps au complet perdu ».)