Analyse, Non classé

Œuvre et représentativité

« C’est effectivement un dangereuse glissade que d’assigner à la fiction un rôle éducatif ou purement représentatif. Alors qu’elle peut, et doit, imaginer, ce qui signifie parfois raconter/mettre en scène le difficile, l’injuste, l’amoral, l’indicible… Bref, ce qui nous dérange. »

A peine avais-je écrit ces mots qu’une réserve, suivi d’un doute, m’a envahi. Il était là. Mais. Le gros ‘Mais’ opportuniste, baveux, déliquescent. Celui qu’on cherche à tout prix à éviter. Il venait de s’engouffrer à travers l’embrasure de la porte. Il était désormais dans ma tête. Oui. Mais

… En matière de jeux vidéo, les choses en sont un peu autrement. S’il est vrai en théorie qu’une œuvre devrait pouvoir dire ou montrer ce qu’elle veut, de la façon qu’elle le souhaite, sans craindre de ne pas paraitre adéquat, le medium dispose de spécificités qui mettent à mal ce principe.

En premier lieu, l’absence de narration, son minimalisme ou sa pauvreté, ont, de tradition, placé le joueur au volant de personnages « coquille », nommés ou non, personnalisables ou non. De fait, le joueur s’incarne, et puisqu’il s’incarne il s’identifie, s’immerge, tissant des relations plus ou moins flatteuses avec les autres personnages. Le degré de narrativité, l’ampleur du scénario, le niveau de détail de l’univers et la qualité des choix du joueur étant autant facteur propice à accentuer son identification. Certaines catégories échapperont de fait à ce principe (stratégie, course) pour des raisons évidentes.

En second lieu, le fait que de nombreux jeux aient cherché excessivement, et cherchent encore, à plaire, à séduire, et à racoler large, heurte de front le principe d’identification – ce qui a la limite serait recevable, si ce travers ne venait pas heurter la cohérence de la proposition et empêcher l’adhésion. Il en effet difficile de rendre de la distance à l’œuvre, ou de la considérer comme pleine et entière quand d’œuvre il n’y a guère, ou quand les développeurs usent explicitement du sexe et de la violence gratuite pour plaire. Ce qui couvre, mine de rien, un large nombre de titres, et est accentuée par l’absence d’humour.

Certains développeurs ont eu à souffrir de leur choix discutables. D’autres n’ont pas attendu les critiques pour intégrer certains enjeux de représentativité, qui ont des raisons d’être. Les jeux multijoueurs, par exemple, ou les jeux de rôle, sauf choix narratif, ont tout intérêt à s’adresser à tous les profils de joueurs. Cela étant dit, les jeux vidéo, dans leur ensemble, ont fait preuve d’une ambition limitée en terme de narration, car raconter par l’histoire est rarement leur finalité. Là ou raconter par les mécaniques et le concept de jeu l’est beaucoup plus souvent.

Pour finir, fuir, cacher, conspuer, ou demander le retrait de ce qui peut être considéré comme gênant me semble hautement discutable. Surtout quand on voit que le niveau d’acceptation pour la violence s’en trouve lui-même renforcé… A côté de ça, les causes qui devraient avoir de bonnes raisons de nous alarmer ne sont parfois même pas discutées. Entre le combat contre les seins qui rebondissent, les couleurs de peau, et les travailleurs qui s’appauvrissent.

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