Un an plus tard, un croisement de circonstances différentes. Je pleurais le départ de ma Xbox 360, achetée quelques sept années plus tôt, disparue dans le silencieux vacarme des diodes rouges clignotantes, lorsque que je me vis, moi-aussi, frappé de dysfonctionnements : un virus taquin, intéressé par mon cas, m’immobilisa entièrement. Accablé par la fièvre et les maux de tête, j’écartais plus impérieusement encore l’idée des jeux vidéo, en dépit de leurs vertus dépaysantes, particulièrement convoitables en la circonstance. Je ne me sentais tout simplement pas capable de réfléchir, ou bien même d’agir. Je meublai donc mes journées avec ce qui me restait le plus tolérable : des quantités innommables de séries télévisées. Tant et si bien que les histoires qui m’étaient contées en perdirent leurs qualités passivement distrayantes, et je me vis peu à peu rattrapé par une réalité douloureuse.
J’étais désespéré de me changer les idées lorsque la question des jeux vidéo se présenta à nouveau comme une alternative. J’essayai d’abord tout ce qui me passa par l’esprit, en oubliant même avoir déjà fini Just Cause 2. Délire fiévreux. L’heure passée sur The Cave, acheté un rien plus tôt, ne fit elle qu’accentuer mon mal de tête. A nouveau droit comme un pic devant ma collection de jeux, j’étais en recherche de solutions ; farfouillant les eaux tumultueuses à la recherche de la perle. Mon regard agrippa les jeux Playstation, en disette, et plus particulièrement encore Grandia premier du nom, que je tentai deux heures durant. Un jeu qui s’avéra, dans l’instant, un rien trop bavard et enfantin – avais-je vraiment l’air de vouloir jouer à cache à cache ? Avant que l’idée d’un jeu déjà familier ne me frappe finalement, dans ce qui s’apparenta être un éclair de lucidité : Lunar: Silver Star Story Complete.
En quelques heures à peine Lunar me tapa dans l’œil et me donna envie d’y revenir très rapidement. D’y rester, même, plusieurs heures durant. L’humour un rien potache, la connivence entre les personnages – les dits personnages –, et cette possibilité d’une quête, au début du jeu dérisoire, dressaient un univers engageant et léger, au moins de prime abord. J’étais totalement enivré par la sincérité de cette bande d’amis partant naïvement à l’aventure pour se voir heurtés par de plus grandes gravités, mais aussi par le style délicieusement rétro de l’esthétique – plantée quelque part entre la Playstation et la Super Nes et héritée, il s’avéra, de l’original sorti sur Mega-CD – et par ses mécaniques de jeu de rôle au tour par tour, aussi limpides qu’idéales quand on appréciait prendre son temps. Sous le charme désuet d’un jeu oscillant avec intérêt entre humour et drame, j’en oubliais la douleur et l’abattement, rescapé que j’étais par cet univers consolatoire, arraché à mon corps en pagaille. « Un bon jeu vidéo vous communique la force de vivre dans le monde réel. », disait-on.>/p>
Sans m’en apercevoir, je ne m’étais pas investi, avais découvert des personnages ou vécu d’histoire depuis trop longtemps. J’avais joué, bien sûr, mais à rien qui ne m’ait donné l’impression d’ouvrir une fenêtre vers un autre monde. Lunar m’avait non seulement fait éprouver ça, mais il m’avait aidé à passer un mauvais moment. Il y avait positivement une douce chaleur dans la routine de ces vieux jeux de rôle japonais. Une dont il m’arrivait d’oublier l’expression, et qui sans cesse me surprenait à nouveau. En cédant à la froideur du réalisme et au sérieux des jeux plus récents, anxieux d’en mettre plein la vue, il me semblait qu’on avait perdu ça. Vouloir être beau, ça n’avait pas empêché, au moins un temps, certains jeux de raconter des histoires. C’était peut-être vouloir être vrai, alors, qui heurtait plus encore l’imaginaire. La septième génération de console avait signifié la raréfaction des jeux de rôle, des jeux qui racontaient et traitaient de l’intimité du groupe. C’était désappointant mais il n’y avait, heureusement, qu’à puiser dans les joyaux passés.
A ce point de ma relation avec ma curiosité et mon envie d’explorer les richesses passées, je n’avais plus tant l’impression de chercher à rattraper « un temps perdu » – expression emprunte de regrets – que de faire des choix de jeux qui avaient du sens. Avoir joué à Lunar, ce n’était pas tant l’avoir fait seize ans après sa sortie que c’était jouer à Lunar. Cela dit, s’intéresser à de vieux jeux n’était pas toujours d’une très grande clarté, et les affaires se corsèrent lorsque je décidai de contempler Final Fantasy IV et ses multiples rééditions. Après une longue réflexion, et différentes comparaisons, je décidai d’acheter la version PSP, choisissant un temps de faire l’original sur Super Nes avant de m’arrêter sur la version Playstation (que j’achetai également).
Le trop grand nombre de réédition, de portages et de remake mettait vraiment un frein à la lisibilité de ces classiques. Et là où leur présence sur le service de téléchargement PSN – à l’instar de nombreux classiques PS1 – aurait dû simplifier la tâche à l’acheteur curieux, cette énième version ne faisait vraiment que la complexifier. Sans compter qu’elle rendait obligatoire l’achat d’un appareil Sony heureusement en ma possession. Au final, ce qui me frappa le plus, c’est à quel point la conservation de ces vieilles exclusivités n’avait aucun sens. Il était essentiel que les jeux plus anciens soient accessibles, et qu’ils le soient aisément, ce qui semblait devoir être vrai mais demeurait encore très problématique, chaque génération de console laissant derrière elle de nouveaux jeux… et de nouvelles rééditions.
(Cf thématique « Rattraper le temps au complet perdu ».)