Je me trouve parfois cette envie de bâcler un jeu. Parce que je le trouve injustement long, ou irrémédiablement répétitif. Autrement, parce que je n’ai pas envie de m’y investir, et pense déjà au suivant. L’envie de m’en défaire, comme collée aux mains, je n’ai alors qu’une obsession : traverser la plaine. Sans trop jeter de coup d’œil, sans trop creuser, en y regardant, mais pas de trop près. Avec cette pointe de culpabilité, de regret, de doute, de curiosité, tout cela mêlé, sur la possibilité de rater un truc. Un truc d’importance moyenne, c’est à dire juste au dessus de la barre d’intérêt, mais déjà en dessous du regard. Bref, un truc qu’il faut chercher, à peine, mais un peu quand même.
Ce fut le cas avec The Legend of Zelda : Breath of the Wild. J’y ai joué en deux, peut-être trois séquences, dont au moins deux juxtaposées, chaque fois avec un état d’esprit différent.
La première, c’était en février. Connaissant l’ampleur du jeu, j’avais attendu de sentir le moment. Là, je me voyais bien faire ce grand saut. De fait, je l’ai commencé sereinement, la découverte au corps, grimpant, cueillant, cherchant ; évoluant tranquillement au rythme des débuts planes. Puis il y a eu un drame, dans ma vie. Une perte. Et déjà, l’idée d’être seul, dans une plaine vide, me tentait moins. Les longues marches laissent trop de temps pour réfléchir. Alors il m’a fallut arrêter.
J’ai repris en avril, soit quelques mois plus tard. Avec une pointe d’intérêt qui, très vite, s’est mue en une folle envie de traverser le jeu. J’escomptais le finir avant le prochain. Inconsciemment, aussi, je pense que l’envie n’était plus tout à fait d’y rester. Mais plutôt d’en finir. En mode j’ai-pas-le-temps-de-cuisinier-j’ai-rendez-vous-avec-Ganon. Accumuler les sanctuaires comme une longue liste de course n’avait rien d’enchanteur. Je m’y résignais, de temps à autre, conscient de l’impact que ça peut avoir à long termes sur les statistiques du héros. Je faisais, mais en gros. En diagonal qui se courbe. Histoire d’être préparé au pire. Et de pas en jeter la moitié à la poubelle non plus.
Puis, je ne saurais dire à quel moment, ni pourquoi, mais j’ai commencé à ralentir. L’âge, surement. Je me suis alors mis à accepter de prendre le temps. Pire : j’ai ajouté des zig-zags aux détours. Des demi-tour aux téléportations. Parfois, même, je suis resté sans bouger, à regarder le paysage, façon enfant captif. En somme, j’y suis resté beaucoup plus longtemps que prévu. Et alors que le voyage s’achève, je dois dire qu’il était vraiment bien.
Je me figure parfois les jeux vidéo comme un échange, un concours d’influence assez fluide. Ou l’état d’esprit évolue constamment, vers l’intérieur, et depuis l’extérieur. Ce qui rend les longs périples plus ardus que les petits chemins. Puisqu’ils sont naturellement plus à risque de se prendre les pieds dans un truc. Un truc d’importance, loin au-dessus du regard, et qui fige le tracé, au moins pour un temps.