Chroniques, Le 17

Le 17 : transmettre le jeu vidéo

Petit T grandit. Et, bien que ce soit terriblement précoce, eut égard à son âge, je me pose de plus en plus la question de la transmission. Et celle, plus concrète, du leg. Je blague souvent en disant que ma collection de jeu paiera mon séjour en EHPAD. Enfin, disons le premier mois – au vu des loyers… En réalité, il m’apparaît évident qu’une bonne partie, sinon tous mes jeux, seront un jour sien, ce bien avant que je perde la boule. Peut-être me prendra-t-il un jour de tout abandonner, et de m’adonner une fois pour toute à la fabrication d’alcool maison (Une frénette, ça te dit ?). Quoi qu’il en sera, les titres que j’ai réunis au fil des années constitueront un terreau idéal pour la découverte de petit T.

Par où commencer ? Que dire pour « enseigner » le jeu vidéo à un profane ? Comment vulgariser à l’extrême un média opaque, technique, et bourré de charabia technique ? Je n’en ai pas la moindre idée. J’ai toujours eu les plus grandes difficultés à parler de jeux vidéo avec des gens qui ne connaissent pas le domaine. Parfois même avec d’autres joueurs. Les uns comme les autres ont leur idées reçues. Et je n’ai, pour ma part, aucune envie de les discréditer. J’ai grand plaisir à converser avec des personnes faisant preuve d’une réelle curiosité. Mais vous en conviendrez : c’est assez rare. « Les joueurs », si tant est qu’on souhaite s’identifier, évoluent en cercle strict, fermé, et défini.

Jouer a, fort heureusement, un côté assez élémentaire. On met la cassette dans le bidule, on prend la manette, on presse les boutons, des choses se passent à l’écran. Point. Il n’y a pas besoin de s’embarrasser de longues explications. En particulier pour ce qui est des enfants, toujours prompts à apprendre. (La prudence étant naturellement de mise dans ce cas précis.) Alors, encore une fois, que transmettre ? Que dirait un musicien confirmé à son débutant ? Un cinéaste accompli à un explorateur filmique ? Un sportif expérimenté à un jeune grigou ? Quoi dire ?

Ma compagne me lance parfois, lors de nos sessions de jeu « Oui mais pour toi c’est facile. » Ce qui me fait dire que les jeux vidéo, derrière leur apparente accessibilité, sont d’abord techniques. Comme pour d’autres tâches, ils nécessitent un apprentissage des règles, une bonne compréhension de l’interface, et font appel à la mémoire musculaire. Similairement à la conduite, l’expérience n’est totale que lorsqu’on se pose plus la question du comment jouer, mais du comment progresser. Se pose alors seulement le regard critique. Savoir identifier un jeu, c’est à dire sa façon de s’inscrire ou de puiser dans un genre, dans un style, ses inspirations, son époque, peuvent apporter une compréhension plus complète d’une œuvre. Sans toutefois être indispensable au plaisir passé à jouer, remarquez.

Une chose que je crains, dans cette histoire de transmission, c’est qu’une autre personne lui offre son premier jeu vidéo. Les jeux vidéo ont accompagné mon enfance, mon adolescence et ma vie d’adulte. Je me suis maintes baigné dans ce lac-là, et continue de m’y baigner régulièrement. Et puisqu’il semble entendu que je suis le seul amateur de jeux dans ma famille proche, je trouverais dommage qu’on me prive de l’opportunité de lui acheter son premier jeu. D’autant que je n’ai pas eu le plaisir de contribuer à la découverte de mes nièces. C’est néanmoins une possibilité. La surenchère des cadeaux offerts aux enfants amène en effet les gens à faire des choix parfois hasardeux, voire égo-centrés. Il s’entend que pour ce qui est d’une girafe, ou d’un doudou, je ne trouverai que peu à redire. En revanche, si quelqu’un s’aventurait à lui offrir un jeu comme Imagine… il y aura comme un malaise.

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