Chroniques, Le 17

Le presque 17 : ils avaient mis, devant la chandelle, un écran de cartons

J’accoste sur un nouveau rivage, en une nouvelle maison. Ici, tout est nouveau. Les pièces sont tout autres, les distances ont changé. Cela fait un mois que nous avons emménagé. Mais les marches de l’escalier, il me semble, nous regardent encore bizarrement.

On est arrivé à l’éclatée, convoqué à une date fixée longtemps à l’avance, mais dont les composantes nous ont échappé. Les urgences confondues, d’achat, de signature, d’emballage et de réalisation des travaux, ont en effet laissé une place réduite aux étapes finales. Pour effet : peu de préparation et beaucoup d’improvisation. Mais rien n’arrête un déménagement : les biens doivent aller.

L’installation est passé, au cours des semaines, du cloîtré au transitionnel. Partout, des cartons entrouverts, parfois avec difficulté, des boites transparentes fermées à la va-vite, se sont laissées deviner. Avec, en chacun d’eux, des fenêtres ouvertes sur un autre monde, des formes, des noms, des images ou des couleurs. Ramassé sur moi-même, perdu au niveau du sol, je me suis trouvé à fouiller maintes fois les mêmes cartons, intrigué par leur forme, confondu par leur similarité.

Il est troublant de voir son quotidien résumé à des cartons scotchés à l’identique. Des boites, comme autant de boites à trésors, griffonnés, en indice, d’un texte noir à la hâte. Des contenants parfois difficiles à sonder, qui nous laissèrent exsangues, et dont le nombre tendait à nous écraser. En chaque pièce, ces embarrassant obstacles ont levé des murs et des parois, empêchant quiconque d’accéder aux autres murs et aux autres parois. Lesquels recelaient – sans aucun doute – l’objet recherché. Dans quel carton « Livres » se trouvaient mes mangas, déjà ? Et dans ce carton « Jeu vidéo », quels jeux ? En chaque pièce, des mystères insondables, qui me forcèrent à tout déballer, à tout redécouvrir.

Les caisses de jeux vidéo, bariolés de rouge, sont restés un temps le long des murs, comme d’importants paquebots garés à quai. Puis, sans qu’on ne sache pourquoi, ils se sont ouverts au rythme des jours passant. Révélant, comme d’eux-mêmes, des lettres et des couleurs. Ici, un A, des R et des P. Du rouge, du noir et du vert. Du plastique et des câbles. Du carton et des bulles. Des manettes, orphelines de leurs consoles, désireuses d’être rassemblées, câblées, utilisées.

Des collections classés, rangés alphabétiquement, il n’est resté qu’extraits et mélanges, sacrifiés à l’optimisation des boites closes. Les plateformes entremêlées se sont côtoyées, pour la première fois depuis longtemps, dans un désordre rigoureux, linéaire et monotone. Des blocs informels se sont ainsi constitué, faite d’une masse de jeu lourds de souvenirs, de présages et d’envie. Deux boitiers qui se jouxtent, à dix ans d’écart, serrés l’un contre l’autre. Pis : alerté du coin de l’oeil, je découvrais des DVD dans un carton de jeu. Deux mondes ont fit collision.

Même au plus fort des congés, mon temps de jeu est resté sobre : mon attention était ailleurs. Jouer, face au reste des « à faire », étant logiquement resté au rang des ponctuations de fin de journée. Et essentiellement dédié à God of War : Ragnarok, nouvel arrivé sur Playstation 5, elle-même nouvelle arrivée près de la télévision. Alors que l’ordre revient, progressivement, au plus fort d’une quête de sens obsessionnelle, il est peu probable que le jeu vidéo tiennent dans les mois à venir une place trop prégnante. Car un autre heureux évènement attend, en septembre, les parents que nous sommes.

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