Je fis l’acquisition de Legacy of Kain : Soul Reaver plusieurs mois avant mes résolutions de janvier. L’ayant reçu, boîtier brisé, j’avais alors laissé de côté, comme on range sa déception dans un tiroir. J’avais trouvé dans ma mémoire des images d’un jeu Playstation alors porté aux nues. Je revoyais ce personnage décharné, aux ailes imparfaites et aux griffes saillantes. N’obtenant une Playstation – une PSOne, en fait – que longtemps après l’arrêt de sa production, je n’avais fait, jusqu’à présent, que voir les autres y jouer. Je passais tout de même, sans explication aucune, à côté de la version Dreamcast – que je possédais alors – sortie un an plus tard. En choisissant Soul Reaver, douze années plus tard, je n’étais pas sûr qu’il corresponde à un indispensable, et ne le suis toujours pas à l’heure actuelle. Mais Soul Reaver fut certainement un jeu à la saveur unique, singulier et imparfait, qui goûte comme dix ans d’âge, et davantage encore. Ce fut également une occasion unique de redémarrer la Dreamcast, ayant logiquement préféré cette version.
La Dreamcast, son horloge jamais à l’heure*, et ses bips qui nous réconfortent : des réminiscences d’un quotidien révolu. Il est immuable, ce plaisir à démarrer une console perpétuellement décalée dans le temps – à différents niveaux. La Dreamcast, « machine à rêves », comme on aimait à l’appeler, machines à souvenirs surtout, pour ceux qui n’y voient pas qu’une expression mais le territoire d’univers uniques et fugaces, brièvement exportés sur Playstation 2 et Xbox, mais disparus depuis.
Rien qu’avoir à nouveau utilisé la Dreamcast, en fait, s’avéra satisfaisant. A chaque démarrage, de retrouver le bip des cartes mémoires, l’écho des lettres qui apparaissent et du logo qui se dessine, non pas de manière occasionnelle, cette fois, le temps d’un Worms Armageddon ou d’un Chu-chu Rocket, mais soir après soir, sauvegarde après sauvegarde, avec l’impression fugace de faire quelque chose d’extrêmement normal. De compléter un jeu.
On se quittait un 7 décembre 1998.
*Dans le cas d’une utilisation occasionnelle. La Dreamcast disposant d’une mémoire rechargeable, une session de 2h suffit théoriquement à la recharger pour 20 jours. (Source.)
(Cf thématique « Rattraper le temps au complet perdu ».)