Le thème final de Yakuza 5, terminé une semaine plus tôt, flotte dans la pièce. Petit T danse, subrepticement, d’un mouvement de popotin. Les souvenirs de l’aventure vécue, dantesque, m’arrachent à la douleur lancinante de mes poignets, qui se consument lentement. La traque à l’ours dans la forêt enneigé, les combats de danse au coin de la rue, les courses de taxi enfiévrées, la richesse des personnages, la diversité des lieux… Ce « Yakuza Nouveau », qui se voulait être un reboot plus ambitieux de la soirée, envoie du pâté sévère.
J’ai eu, à mes débuts, un rapport contrasté avec la série. Les premiers épisodes (1 et 2), pour ce que je m’en rappelle, m’avaient paru intéressants mais limités. Sur Playstation 2, Grand Theft Auto obnubilait alors l’attention, avec son style décapant, ses embardées en voiture, son amoralité (« tout est permis ») et ses codes de triche. Le comparaison, forcément maladroite, voyaient les grandes villes américaines de la série de Rockstar toiser du regard un Kamurocho plus exigu, très souvent nocturne, et pour tout dire un peu claustrauphobique. Yakuza conservait néanmoins ce petit je ne sais quoi. De part sa trame yakuza-esque, déjà, forcément clichée, et pourtant singulière dans le paysage vidéoludique, où l’omniprésence de la culture et de la politique américaine est étouffante. Et puis pour ses nombreux à-côtés : salle d’arcade, karaoké, baseball, bars à hôtesses…
Ce n’est toutefois qu’à partir de Yakuza 3 et Yakuza 4 – visités en 2020 – que je me suis réellement pris d’affection pour la série. Similairement à Kiryu, qui se voit systématiquement rattrapé par les guerres de clans, j’y suis chaque fois retourné avec un plaisir renouvelé. Aguiché, d’une part, par la grandiloquence des scénarios alambiqués ; espérant, d’autre part, y retrouver une certaine familiarité. Comme à chaque fois, la ville de Kamurocho fut là, carrefour de toutes les retrouvailles, point iconique de tous les démêlés, lieu final des exutoires libératifs. D’autres visages familiers, aussi, finissent de compléter cette carte postale burlesque. Renforçant, avec plus de force encore, cette impression d’un retour aux sources.
Aussi, ce n’est sans doute pas tant pour une raison en particulier que j’ai appris à aimer la série, que pour la familiarité de la proposition, ainsi que son incroyable générosité. Le soin méticuleux apporté à chaque rue, à chaque activité, à chaque personnage, ne peut que rendre admiratif. En même temps que son extrême frivolité et son humour me rend hilare. La réutilisation d’anciens éléments offre à chaque fois de nouvelles libertés à l’équipe de développement. En cela, l’audacieuse proposition que constitue Yakuza 5, dont la temps de développement fut porté à deux ans ou lieu d’un an, me laisse totalement sans mots. Le chapitre consacré à l’unique personnage féminin du groupe, en particulier, m’a ébahi, tant la proposition est osée. Là ou celui de Saejima valait déjà son pesant, de par son caractère intemporel et innovant. En somme, bien qu’il me soit impossible de tout voir et tout faire, je ne me vois pas du tout m’en lasser.