J’ai attendu quelques jours, pour parler de Life is Strange. Mais je ne vais pas mentir : je suis un peu à court. Le jeu m’a plût. Combien ? Disons beaucoup. A bien y regarder, certains aspects sautent aux yeux, défauts surmontables comme qualités éclairées ; tous abondamment listés par lécritiques. Sauf que. Life is Strange a tendance, chez moi, a s’imposer d’un bloc, sans que je ne sache pourquoi. De sorte que je ne suis pas des plus apprêtés pour l’examiner comme il se doit.
Ce que je peux néanmoins dire, c’est que dans le quotidien pesant de ce mois d’octobre Life is Strange a été une bénédiction. Lorsque je me suis mis en quête d’être paré pour l’épisode 5, le 1er octobre exactement, mon père s’apprêtait à sortir d’une seconde hospitalisation en l’espace de deux mois. La santé défaillante de ma mère ayant fait de moi la seule personne en capacité de gérer tout ce qui l’entoure, je me débattais, alors, pour ne pas crouler sous les responsabilités. L’épisode 2 m’offrit de charmantes retrouvailles, un temps du moins. Sa fin, inattendue, redistribuant les cartes dans une toute autre direction. A l’épisode 3, j’avais trente ans exactement. Je m’éteignis en « Arcadia Bay », au soir d’une journée épuisante, savourant l’instant, mais sentant également grandir l’inquiétude. L’enquête de Max venait de prendre une drôle de direction. A l’épisode 4 je profitais d’un moment de répit « IRL ». Dans le jeu : c’était tout l’inverse. Décider se faisait de plus en plus dur. Et mettre pause pour réfléchir n’aidait pas tellement. Cette aventure prenait une tournure des plus inquiétantes. Avant de s’embraser totalement, à la fin de l’épisode 4. Ou aller, à partir de là ? Je ne pouvais que supposer. En attendant la suite.
Je me fis oublier la date de sortie de l’épisode 5, pour ne pas avoir à l’attendre trop sévèrement. Si bien que je ne réalisai pas, le 19 octobre au soir, qu’il me serait donné d’y jouer après minuit. Enfin, après deux heures du matin, d’après le déploiement de Square Enix. Risqué. Se coucher tard est devenu risqué. Mais je décidai d’attendre pour y jeter un œil, juste avant d’aller dormir. Juste pour me rappeler l’avoir fait. A l’autre bout du monde, un streamer américain, devant moi, patientait de même au milieu de l’après-midi. Je le regardais enrager avec amusement de devoir attendre une heure de plus, d’heureux possesseurs de PS4 ayant déjà commencé l’aventure. Maudits européens ! – même si ça n’avait rien à voir. Beaucoup de ses spectateurs, qui avaient vécu avec lui les épisodes précédents, n’étaient là que pour ça. Que pour le voir y jouer, pour le vivre avec lui. Moi ? J’ai fui, dès l’instant ou le jeu fut lancé, pour ne le regarder en vidéo qu’une fois complété ! Comparant nos choix avec amusement, même si il laissa à ses spectateurs le soin de choisir pour lui. Le soulageant à son insu de leur gravité.
Pour toutes nos différences, nous sommes nombreux à avoir épousé Life is Strange. Le jeu a une universalité qui me dépasse, mais qui est indéniable. Il n’y a que se la voir expliquée. D’entre tous les publics, voir le jeu toucher certains de ces endroits inattendus, tels que les streamers populaires, est des plus remarquable. Mais plus encore leurs publics – pour la majorité des jeunes hommes, d’ordinaire renforcés dans leurs travers, et donc convaincus que crier « GRILL » et « SEX HER » à l’apparition d’une femme est un comportement approprié. Cette fois certains d’entre-eux au moins sont émus, affolé, bouleversés. Ils se moquent, en rient, bien sûr, de Warren comme de David. Mais cette dérision-là peine à masquer leur affection pour eux.
Je me suis souvent demandé quoi écrire. Comment apporter ma pierre à l’édifice. Comment éviter de ressasser des banalités. Le mieux que j’ai trouvé étant d’écrire sur ce que je sais. Ce qui signifie écrire avec soi, voire sur soi. Life is Strange révèle l’étendue de mon ignorance. Il n’y a rien que je puisse dire que vous ne lirez ailleurs. Rien que je puisse raconter, sinon faire preuve d’un peu de candeur. Oui, la vie est étrange, et parfois difficile. Ce qui ne m’a pas empêché de crier, sautiller, et rire y compris (« Kick the table! » « Yes Sir! ») durant ce final. Je suis heureux d’avoir été de l’aventure. D’avoir eu la chance, pour une fois, de vivre ce moment d’intense émotion à chaud et en chœur, simultanément à des dizaines de milliers de personnes qui comme moi ont attendu (assez peu, il est vrai, dans mon cas). Il y aurait à redire, bien sûr. Mais je n’en ai simplement pas envie, et d’autres le font bien mieux que moi. C’est tout ce que je sais.
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