Avec la fin de Like a Dragon Ishin !, c’est une tranche de vie qui prend fin. Je laisse derrière moi la terre labourée, les courses de poulet et les jeux d’argent. Je range benoîtement la canne à pêche, à l’appui, contre le mur. Mieux vaut l’avoir à portée de main, car elle devrait resservir sous peu dans un autre jeu. Ejecter Ishin! de la sorte, c’est dire au revoir à toutes ces fractions du quotidien. Lesquelles m’ont accompagné au fil des mois, dans mon quotidien. De février à septembre. Un long périple. Durant lequel beaucoup de choses se sont passées.
Je n’ai jamais été un très bon défenseur de la série. J’y viens régulièrement, joue à un ou deux épisodes par an. J’adore y passer du temps, y jouer avec assiduité. Je renonce, en revanche, systématiquement à tout faire. Je n’en suis pas moins fidèle, et ne conçois pas arrêter de suivre la série. Chaque nouvel épisode étant, pour moi-même synonyme de sourires, de rires, d’affaires alambiquées. De parodies traitées avec sérieux. De bonne bouffe, de sport, de courses à pied. Et pourquoi pas, en dernier recours, d’une ville à sauver.
Pour tout l’intérêt que je leur porte, les mots me désertent fréquemment dès qu’il s’agit d’évoquer les Yakuza / Like a Dragon. De la même façon, j’écris peu. Préférant taire mes traversées, qui me satisfassent pleinement, sans que l’envie d’en faire la publicité se présente. Si bien que lorsque la conversation l’exige, lorsqu’il me faut dire pourquoi, comment, et quoi. Ou même mentionner ce que j’y fais exactement, je m’y perds. Je pêche. Je fais la cuisine. Je fais des quêtes qui n’ont aucune sens. J’affronte des gens peu sympathiques, et d’autres qui le sont davantage. Quoi d’autre ? Je ne me rappelle déjà plus tout à fait. Je ne garde des jeux qu’une impression ténue. Il me faut puiser, chercher les mots, construire des phrases. Tant de mois sont passés. Alors je me sens partir de loin.
A contrario, avec The Great Ace Attorney Chronicles, les qualificatifs abondent de suite. La course folle, pour ne pas dire haletante, voit les dialogues se répondre avec énergie. Bruits de claquement, « Matta » et « Igiuri » se succèdent à une vitesse obsédante, éreintante même, pour ce héros à naître qui fond, sue, s’écroule, encaisse les chocs. Au bord du précipice, mais toujours si apte à s’en écarter in extremis. Dans un énième sursaut dramatique, la musique s’emporte, m’emmène avec elle. Je chevauche les notes, soulevé par le mouvement, et la litanie des mots. A l’image d’une plume dans une bourrasque, déplacé par une inertie à laquelle je n’oppose aucune résistance. N’intervenant que d’un seul et unique bouton, pour réclamer une suite qui se fait perpétuellement attendre.
Parfois, le mouvement freine, ou s’entruche. Je me sens à l’image de Ryunosuke : frustré et perdu. J’essaye de raisonner promptement, de trouver une solution qui rendra au jeu son rythme, qui le fera à nouveau respirer. Je me risque à un hasard coûteux, agitant la baguette au hasard pour voir si l’orchestre va suivre. Je pourrais tricher, aller chercher une partition annotée, mais je m’abstiens. La solution enfin trouvée, au prix parfois d’une malencontreuse fin de partie, le spectacle peut reprendre. Ce n’était que ça. Alors, satisfait et soulagé, je ré-attache la ceinture, impatient de voir la suite de l’énigme se révéler. Fasciné de voir l’orchestre reprendre son mouvement. Une. Deux. Trois. Quatre. Une. Deux. Trois. Quatre.