En vacances, loin de tout, je me laisse oublier. Je profite de l’air marin, de la tranquillité, appâté par les lieux pittoresques, les paysages et les spécialités locales. Je me baigne dans l’inconnu avec l’appétit d’un travailleur paralysé par les évènements, rivé à sa table de travail, défini par ses fonctions. Je puise, là-haut, loin du domicile, dans l’air et dans l’eau ; dans la splendeur comme dans la fatigue ; des voies respirables, de l’oubli de soi, pour trouver à puiser l’énergie qui paveront les prochains congés payés.
A mesure que l’endroit se fait savoir, la journée, d’autres mystères se saisissent de moi une fois le soir venu. Entre les quatre murs de notre location se dessine une frontière lointaine, dans Le Rivage des Syrtes (Julien Gracq). Là-haut, dans les Syrtes, l’Amirauté assure une garde docile mais endormi, après plus de trois cent ans de guerre contre un ennemi qu’on ne nomme plus. Pourtant, à mesure que les pages se tournent, des mots se disent, et des ombres se meuvent. L’œuvre est intimidante, parce qu’elle est déjà si richement écrite qu’il faut parfois s’y relire. Mais aussi parce qu’elle se dévoile avec précaution, au rythme des lents murmures. Ce qui lui donne force d’ambition.
A ses côtés, sur une même table de nuit, côtoie ma Nintendo 3DS. A l’ouverture, Shin Megami Tensei IV prend la parole. Énième variation de la série, le jeu raconte l’histoire de Samuraï qui sondent les profondeurs de Naraku pour y affronter des démons. Parce qu’ils ont été choisis ; parce que c’est leur devoir. MegaTen oblige, on devine, en ce cas, la gravité que devra absolument prendre la trame. Qu’il s’agira, c’est entendu, de sauver le monde. Cela est d’ailleurs dit. J’ai, pour cette raison, apprécié la relative simplicité de ses prémices. Plonger en apnée dans Naraku, tenir quelques minutes, contre les bourrasques d’ennemis qui jaillissent et s’abattent ; survivre, au final, quelques couloirs. Puis mieux respirer la surface. Avant d’y trouver pied, avant que l’habitus me le rende par trop familier, Shin Megami Tensei IV fit peser sur moi une angoisse et une menace presque réconfortantes.
Jouer, lire et voyager, m’a amené en des terres inconnues, parfois sauvages. Plus subtilement encore ces vacances m’auront-elles ouvert l’esprit à quantité de mystères, que seul le retour à la maison ne saura clore. Mais, peut-être justement parce qu’elles ont été commencé en d’autres lieux, il y subsiste un brin d’air marin, une pointe de soleil, un chouia de terres nouvelles ; qui jamais ne saurait disparaître.