On se retrouve. Les yeux fixés à l’horizon, je cours sur cette même ligne droite, le long du canal, où se penchent des cerisiers. Ce bout de chemin qu’il m’est souvent arrivé de parcourir, les années passées ; et que j’ai si souvent abandonné, au gré des problèmes physiques, de la fatigue, du froid, des maladies. Il avait pourtant été le lieu, en 2019, d’un de ces rares moment d’exaltation que le confinement m’avait permis. C’était un 17 mai, aussi.
Le 17
Le 17 : yakuze toujours
Le thème final de Yakuza 5, terminé une semaine plus tôt, flotte dans la pièce. Petit T danse, subrepticement, d’un mouvement de popotin. Les souvenirs de l’aventure vécue, dantesque, m’arrachent à la douleur lancinante de mes poignets, qui se consument lentement. La traque à l’ours dans la forêt enneigé, les combats de danse au coin de la rue, les courses de taxi enfiévrées, la richesse des personnages, la diversité des lieux… Ce « Yakuza Nouveau », qui se voulait être un reboot plus ambitieux de la soirée, envoie du pâté sévère.
Le 17 décembre : je reprends mon souffle
On est le 17 décembre. La veille, encore, ma tête était pleine de tout. De l’excitation du travail qui n’en finit pas, d’une formation qui s’est ajoutée à la dernière minute. Je les évoque à ma compagne. Les mots ne suivent pas mes pensées. Je parle langage de grattes papiers : « feuille de paie », « cotisations », « compta », « marchés ». Puis j’ajoute « CNFPT », « formateur », « collectivités » « concours ». Ma tête déborde, et je suis fatigué. Alors je dis : « Il faudrait qu’on parte quelques jours ». Je dis aussi : « On s’en fout, de l’actualité COVID. ».
Le 17 : les choses courent
Les choses courent, et je me précipite.
Septembre, déjà, et désormais octobre, m’ont asséné de leurs obligations à un rythme soutenu. Je me suis efforcé, ces dernières semaines, d’en suivre la trame établie avec une sérénité éprouvée, agité par un surcroît de fatigue derrière les yeux. Dans ces moments de grande vitesse, où l’ont se sent plaqué contre son siège, les mains cramponnant fermement le volant, conduire se résume parfois au glissement d’un cerf-volant dans le ciel : être ballotté au rythme des vents.
Le 17 : c’est la reprise
Les vacances sont échues. Avec elles s’effilochent les dernières brumes de mystère. Le Rivage des Syrtes, une œuvre fascinante que je m’attache à terminer, sera bientôt lu. Tandis que SMT IV, qui en se découvrant s’est rendu plus manifeste, patiente dans un coin de la pièce. Déjà saisi par la réalité des quotidiens pragmatiques, mon attention se tourne de nouveau vers un concours qui se rapproche, un travail qui n’a aucun sens, les maladies de crèche, et les listes de tâches diverses. Je laisse glisser, autant que faire se peut, ou plutôt je me laisse glisser, dans un je-m’en-fichisme léger, à l’abri des légers rudoiements mais prêt à rebondir, l’esprit dirigé vers un petit bout de choux, un petit bout de texte, un petit bout de jeu, et trois notes de piano.
Le 17 : je me sens saisi des mystères
En vacances, loin de tout, je me laisse oublier. Je profite de l’air marin, de la tranquillité, appâté par les lieux pittoresques, les paysages et les spécialités locales. Je me baigne dans l’inconnu avec l’appétit d’un travailleur paralysé par les évènements, rivé à sa table de travail, défini par ses fonctions. Je puise, là-haut, loin du domicile, dans l’air et dans l’eau ; dans la splendeur comme dans la fatigue ; des voies respirables, de l’oubli de soi, pour trouver à puiser l’énergie qui paveront les prochains congés payés.