Chroniques, Le 17

Le 17 : un moment d’insouciance

J’ai eu, pour Noël, un jeu. Ça ne m’était pas arrivé depuis très longtemps. Je n’avais plus considéré, depuis ma jeunesse, un boîtier comme vaguement magique. Comment s’était-il trouvé là ? Comment le père Noël, ce vieux frippon, avait-il su ? Des questions qui se révélaient, à l’époque, bien peu importantes, face à la joie enfantine ; et qui, cette fois encore, disparurent comme neige au soleil. Un(e) inconnu m’avait offert un jeu. Et je n’avais qu’une envie : jouer.

Profitant de ce sursaut d’insouciance, je mis la galette dans la console. Par cet acte simple mais délibéré, je désirais mettre de côté tout principe d’organisation rigoriste. Ce qui signifiait, pour cette fois au moins, désavouer la nécessité des préparatifs habituels, ainsi que les sempiternelles mises en condition. Au diable, les jeux en cours ! Fi, des jeux à faire ! Cette fois-là, je m’accorderais le répit des naïfs, qui seuls sont exempts des tourments de l’apprêt. Initiant, dans la foulée, un deuxième, et puis un troisième jeu. Une envie soudaine, et c’était tout. A moi les vacances, à moi les jeux !

C’est vrai : il en est rarement ainsi. J’ai pour usage de régenter strictement mon planning de jeu. Et bien qu’il soit naturel d’organiser ses journées et de planifier des temps de loisir, je me suis parfois trop durement imposé les conditions de la découverte. « Pas de nouveau jeu s’il y en a déjà plusieurs en route. » « En voir l’issue tant que possible. » « Éviter les jeux en ligne. » Il y a une logique, derrière tout ça. Sitôt l’âge de raison (à définir), j’ai appris qu’il était valable de ne pas s’éparpiller. Au risque de se perdre, de se frustrer, de regretter des abandons précoces. Mais le trop plein de règles, il est vrai, peut geler l’enthousiasme.

Les jeux vidéo demandent temps et investissement. C’est ainsi que s’est bâti leur nature, ainsi qu’ils se vendent. Longs, narratifs, tortueux, ou rejouables. Ces gourmands nous émeuvent durablement. Peut-être, justement, que leur(s) exigence(s) donnent à mieux nous comprendre. En respecter les profondeurs éventuelles, c’est aussi respecter sa capacité d’écoute. Respecter l’œuvre, c’est en somme se respecter soi. Un « deal » qui peut s’avérer difficile à tenir, quand on se prétend « vie active ». D’un autre côté, l’étendue du marché, et son accessibilité, n’encouragent guère à prendre son temps. Mais plutôt aux passades consommatrices.

J’aurais, pendant les vacances d’hiver 2019, joué. Comme un enfant, joué. A sauver des abeilles (Yooka Laylee and the Impossible Lair), à construire mon village Viking (Northgard), à gérer mon hôpital (Two Point Hospital), à faire des plats à deux (Overcooked 2). Sans excès, avec un amusement libéré. Et parce que je ne l’avais pas prévu ainsi, ça me soigne niveau planification autoritaire. En fait, préserver ma curiosité, ça s’est un peu fait au prix de la spontanéité. Puisque, heureusement, on apprend à tout âge (combien on est bête et renfrogné), il est encore temps d’apprendre à lâcher du leste. C’est même le genre de choses qu’il faut se répéter autant que possible. Je crois que je vais embrasser le phénomène.

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